À K.
Aujourd’hui
Je me suis fait manger par les vers
Pas ceux qui germent dans les ossuaires
Mais ceux qui font leurs trous dans le cobweb
Du temps en rejetant les jours par l’arrière
Et en mordant sur le rien savoureux
Des jours pleins de lumière estompée
Où les voix sont assoupies et les paroles peinent
À frayer leur chemin à travers l’enchevêtrement
Qu’on découvre d’un coup dans sa gorge
Mais qui commence probablement beaucoup plus en bas
Plutôt dans l’estomac ou quelque part dans la large intestine
Où se désagrègent les grumeaux de l’indigestible
Les jours où l’on parle par l’intermédiaire des lampes
Des reflets sur le métal des passants qu’on regarde par la fenêtre
Pendant que les vers lui rongent le bras droit
Puis un œil puis les oreilles
Puis les lèvres
Le visage si beau si symétrique si fin et expressif
Sur lequel on ne détecte aucun signe de souffrance
Aucune trace de douleur des sanglots qu’on sangle
Les engloutissant avant que leur aigreur en se mêlant à l’angoisse
N’entre dans le flux sanguin
Les jours où l’on parle par le moyen
De menus gestes si parfaitement orchestrés
Qu’il ne reste pas de fissures entre le noir du col roulé
Et le pâle du visage ou plutôt ce qui en reste encore
Les cavités creusées dans le crâne incliné sous un angle peu naturel
Le blanc des yeux qui s’y écoule suspendu sur un bouquet de nerfs
Les muscles certains lâches les autres encore formant un sourire
De la salive du mucus d’autres tissus et des matières
Mais bizarrement pas de sang
Pas de cœur qui le pompe
Pas de mots qui le font monter vers les joues
Pour rendre plus genuine le jeu qu’on joue
Un cadavre du moment torturé
Extirpé de l’infini et placé face à son tourmenteur
Une enveloppe une dépouille transparente
Emportée par une armée des vers
Non pas ceux qui habitent les cimetières
Mais ceux qui arrivent d’outre-mer
Qui n’attend qu’une légère poussée
Je la pousse
Je me lève
Je m’en vais