Les étoiles

Les étoiles ternes les braises des oiseauxLes petits squelettes de leurs mouvements diurnesLes détritus d’où prendra son essorUn nouveau jour portant dans sa mâture Les silhouettes fugaces dessinées par le ventLes scènes incertaines suspendues dans les airsLes êtres toujours vivants de lendemainLes êtres toujours morts d’hier La mer sereine de nuages qui baigne les rivesDes yeux inquiets venus eux-mêmes d’étoilesUn bateau ivre qui va à la dériveQuand les oiseaux cisèlent ses faibles voiles Continue reading Les étoiles

Tout ça

Tout ça : la petite professeure de français qui t’ouvre la porte avec un joli sourire, en te disant d’une voix enjouée et douce : « Mais vous voilà ! On vous attend déjà ! », comme si le test d’expression que tu dois passer — pour manque d’acceptation du fait que la langue de Baudelaire, tout comme Baudelaire lui-même, sont bel et bien dans ton sang, — comme si cet examen-là n’était qu’une agréable conversation dans un café par un matin ensoleillé d’un début d’avril, l’ordi dans un coin, les rais du soleil printanier qui pénètrent gaillardement dans la … Continue reading Tout ça

La mort du jour

La mort du jour dans la salle à mangerQu’assiste la famille entière en souriantLe jour qui a fait de son mieux pour être légerEt qui est mort pour rien — ou presque rien J’ai quatorze ans ; ma vie est faite de pure conscienceLes chemins rustiques sortent de mon corps comme mes propres membresJ’erre sur les rives émaciées et dans mon erranceJe précipite l’avènement du demain Qui vit encore ; qui, comme chaque jour nouveauEspère qu’il va durer infinimentEt qui, en entrevoyant le sort de son aïeulCommence à s’agripper avec ses pinces À des arbustes verts ; aux pins qui … Continue reading La mort du jour

Madrid

Madrid, je te promets : je reviendraiJe reviendrai pour revoir tes cheminéesQui s’acheminent vers le ciel étoiléEn s’éminçant à mesure que tes alléesS’allongent en s’écoulant dans la verdureEt transparence de l’air chaud d’après-midiOù se brassera bientôt le caramelDu soir qui remplira d’abord les creuxDes places des rues des fenêtres et des balconsQui montera plus tard par les ruellesÉtroites du centre-ville vers le palais royalEn submergeant ses salles d’orange du bleuDu céladon du mauve et du vermeilEn empruntant les teintes manquantes des yeuxDes serveurs las et des toiles de GoyaIl débordera très vite les étagesPercera le toit et giclera en dehorsÉclaboussant … Continue reading Madrid

Texas des cieux, les Indes des rues

Texas des cieux, les Indes des ruesLes Atlantiques d’immeubles noircisLes sons qui sortent de la carrureDes trous dans les murailles graciles Le chuchotement de l’horizonQui fait la cour au jour prochainEn lui offrant de minces morceauxDes nuages d’un rouge alléchant Le grand silence qui s’étendAu-dessus des vagues du bétonEn se couvrant de plis du tempsQui berce les fragiles bateaux De la rêverie et des espoirsQu’on gare tout près de sa fenêtreRentrant chez soi au fond du soirConcave et privé de phonèmes Les monts du vide se profilentAu loin où garde l’équipe de nuitUn périmètre qui sert d’asilePour les âmes sorties … Continue reading Texas des cieux, les Indes des rues

Дом

В доме на даче было два входа — один парадный, который еще назывался «крыльцо», куда выходил долгий рейчатый коридор, из коридора дедушка, из дедушки дым, из дыма еще дым, дым крепких дымных папирос, смешивавшийся с кустарниками в солнечную дырочку и ягодную точечку; второй вход — «черный», или еще «задний», со стороны кухни, откуда выходила бабушка, запахи кухни, грохот кастрюль и поварешек, шипение жарящихся блинов, катание скалки и избыток сладких сумерек, накапливавшийся в доме за ночь и просачивавшийся наружу с наступлением утра, когда кухонная дверь на пружине взламывала покрытую росой плоскость красного фасада, выпуская хрупкую бабушкину фигуру в пуловере поверх пижамы … Continue reading Дом

La monotonie

Les vagues du temps qui me lancentVers la muraille lisse des joursQui m’éclaboussent quand j’avanceEt qui m’attrapent quand je chute Les eaux gluantes des nuits amèresOù bercent les algues du sommeilLes innombrables faibles chimèresNées d’amalgames de moi-même La balbutie des jours qui passentLe clapotement des heures qui coulentLe long des rues qui, elles, s’évasentDevant les yeux d’un somnambule La sérénade incessanteQue siffle en boucle le ciel moisiEn pourléchant les fenêtres luisantesAvec sa langue cramoisie Monotonie tu as mon âmeTu as mon cœur et mes poumonsTu fixes sur moi tes yeux macabresCataractés d’appartements Tu as mon suc et mon sangTu as … Continue reading La monotonie

Le mouvement

Le jour pur et durSe mue en doux soirLaissant place à la nuitDans le vaste pourrissoirDu passé du présentDe l’impalpable futurOù l’âme vaguement pressentSes prochaines amertumesL’azur devient le noirLumière devient ténèbresL’homme joue son humble partEt l’homme resserre ses lèvres Continue reading Le mouvement

Le brouillard

Les réverbères coupent l’airLeurs rais s’occupent de l’hiverQui, grand et sombre, s’affaissaSur le monceau de raides façades Les rues se courbent autour des rouesLes murs attrapent les voix qui hurlentLes roues, eux, roulent, les voix, eux, raillentLe noir miroite entre les rails La ville saumure dans le brouillardSes formes mornes, ses toits rigidesSes citadins, ses âmes trouillardesN’osant sortir de leurs gîtes Les minces palmures de la lumièreRemuent doucement la nuit gluanteLes immuables réverbèresSortent de leurs stalles dans l’asphalte L’essaim de grandes tortues marinesPar la fêlure dans l’aquariumSous le couvert de la bruineSe file lentement dans l’océan Continue reading Le brouillard

L’étain de l’aube

L’étain de l’aube qui brasilleAu fond des grands chaudrons des ruesD’où les lueurs de domicilesS’envolent comme la cendre et où Les songes se brassent les mains s’intriquentLes lèvres s’ouvrent les creux résonnentDes sons de pas-encore-répliquesJetées par pas-encore-personnes Les gouttes de bruine sur le pare-briseÉtouffent le feu sous la chaudièreQui s’aplatit et se taritQuand on avance dans le quartier Le moule des jours sculpté des toitsForgé par les marteaux de nuagesLà glisse la livide étoileGrattée par le pique-feu d’étages Une braise d’amour une bave d’espoirPétillent toujours dans les ténèbresLe jour indiscernable du soirLes mots inséparables des lèvres Une fenêtre orange qui … Continue reading L’étain de l’aube