Mitraillée
La forêt est mitraillée
Par les réverbères qui la trouent à l’envers
En découvrant derrière le pare-balles du noir
Le vulnérable corps de la lumière
Mitraillée
La rue est mitraillée
Par les mitrailleurs des yeux qui la regardent
En découvrant les entrailles de la perspective
Dans le corps moelleux de la brume
Mitraillé
Le ciel est mitraillé
Par les épingles éparpillées des étoiles
Qui agrafent les manches de l’obscurité
À l’horizon qui est paf qu’il est pas mal paf
Mitraillé
Le vert est mitraillé
Par l’arrivée prudente de l’azur
Qui lance sur les batteries démasquées du sommeil
Les tracts appelant à capituler
Mitraillé
Le noir est mitraillé
Après une brève coupure d’électricité
Par les rangées des cages d’escaliers
Qui laissent les corps des immeubles troués
Saigner des figures des premiers passants
Mitraillée
La nuit est mitraillée
Par l’irrésistible avancée du lever
Qui ne la tue pas
Mais qui la troue à l’envers
Ce qui est pire
Incomparablement pire
Parle-moi
De ce qui est caché
Pour lequel on ne trouve pas assez d’adjectifs
Mais qui est là indubitablement là
Dans la lumière du matin chétif