Il y a quelque part
Probablement j’espère peut-être
Les autres années 50
Un autre Jacques Prévert qui a dans ses yeux
Un autre Paris avec les tables luisantes
Rempli d’autres formes de femmes et d’autres formes de messieurs
Il y a une autre gare centrale où attend son train
Une mère solitaire avec son enfant
Qui est peut-être observée par un poète à peau plus dure
Qui parle français un peu bizarre
Mais enfin
Sur presque le même sujet
Il y a quelque part un paysage aplati
Avec des taupinières d’arrondissements
Creusées par le mouvement simple et répétitif
De personnes qui arrivent et des armées qui se rendent
Les champs de presque blé qui déferlent sur le ciel
Et les tessons de fenêtres qu’elles emportent
Vers l’horizon peut-être un peu plus courbé
Où ballotte à peu près le même soleil
Dont les rayons peut-être encore plus doux
Caressent les toitures dorlotées du beurre
Du coucher qui, je crois, doit être un peu le même partout
Dans l’univers où l’on a honte et l’on a peur
De perdre le moment tellement il est fragile
Tellement les jambes sont jolies sous la jupe
Qu’il semblerait stupide de ne pas agir
Avant que le jour n’achève sa chute
Il y a une table dans un bistro presque vide
À laquelle, voûté, songe un habitué
Caché derrière une tache blanche de son journal
Avec une tasse de café toujours tiède
Une ville froissée qui se tourne dans son lit dur
En essayant de décaler l’heure de réveil
Les formes d’amour et les formes de solitude
Qui se transforment en crysalides au lever
Du presque jour
Dans un monde comme le mien
D’un après-guerre qui a commencé à peine
En faisant scintiller un point dans un coin du rien
Qui pense à moi
Probablement
J’espère