L’illusion

Je me lève au milieu de la nuit frissonnante
Dans une coupe d’un rêve trébuché
Tout petit sous les voûtes de l’énorme charpente
Sur lequel le réel embobine sa chair

Faute de substrat l’esprit se demande lequel
De deux vides est le vrai celui de l’avant
D’où on vient de tomber en rompant des ficelles
Ou celui de l’après où l’on se trouve maintenant

Pas de monde autour la lumière traînasse
De l’étoile de fortune allumée à la hâte
Pour sauver l’illusion d’un nuage qui passe
Sur le ciel si austère qu’il paraît presque mat

Les pixels des rideaux semi-transparents
Éclaboussent l’espace ils sont simples à faire
Efficaces en matière d’attirer le regard
Pour que la forme de cube ne soit plus en danger

Puis avant que la vision remarque la tromperie
Ils s’assemblent en des formes des auvents des chambres
Une fenêtre s’allume une figure apparait
Elle n’est pas encore prête mais ça marche déjà

Une petite hirondelle traverse la vue
Elle s’étale comme une touche sur le fond du silence
Des balcons imbibés de présence absente
Des poteaux aux fleurs des vieillards qui fument

Elle s’étale comme un fil sur le fond immobile
Là où le noir se fond et le bleuâtre s’ajoute
En touchant chaque étage le long de sa chute
Et laissant deviner l’existence de la ville

Je me détache du lit et j’ouvre la fenêtre
Je me penche en avant dans l’air frais du matin
Du jour non entamé, de la pulpe du lendemain
Qui se colle à ma peau impatiente de s’y mettre

Les courants de fraîcheur entrent par les petites fentes
Qui désignent l’emplacement prévu des narines
En fêlant la partie inférieure d’un ovale
D’une fissure imitant une forme de sourire

Le crépuscule avance sur la surface lisse
De la ville ballottant ses antennes et ses palpes
Les couleurs radoucissent les pains s’amollissent
Le tuyautage des rues ouvre bientôt ses soupapes

Avec ma bouche rompue je halète pour l’air
Empêtré dans les barres comme dans un filet
Regardant vers le haut ou pendouille le soleil
Comme un grand hameçon retiré de mes lèvres