Saint-Pétersbourg

Les yeux des ponts de Pétersbourg
Les pigeons mauves sur vos sourcils
Les larmes figées des sombres tours
Qu’émane la ville de ses lacis

L’impénétrable coucher radieux
Derrière lequel s’étend le vide
Contenant encore un peu de dieu
Grouillant de l’injoignable vie

Les couches du bleu les couches du vert
Les touches du rouge pour les colonnes
Qui, comme en hésitant, s’insèrent
Dans les serrures versicolores

Les taches du jaune pour les lumières
Qui tendent leurs souples tentacules
Des lisses quais dans la rivière
Frôlant le jour qui recule

Les cours parfaitement circulaires
D’où lancent leurs vols saisonniers
Les lignes de linge irrégulières
Vers l’azur sillonné des nefs

Les âmes des hommes les âmes des femmes
Les âmes amèrement amarrées
Avec les cordes d’échos des pas
Dans le bourbier des escaliers

Les cheminées de l’Ermitage
Le mâchonnement des mots gelés
La chute de neige les chaînes d’étages
La marge du jour couleur de lait

La nuit qui tombe la nuit qui rampe
En boutonnant ses blanches manchettes
Avec de fragiles agrafes
Des silhouettes dans les fenêtres

Les mains des rues aux doigts étiques
D’un francophone égaré
Boutonnent la veste électrique
Sur les épaules du grand marais

La ville étrange des couches de l’huile
Avec ses os forgés d’acier
Qui baisse les yeux couleur de vie
Sur le visage couleur du ciel

Encore tu luis dans ma mémoire
Tes ponts levés comme en question
Tes yeux baissés tachés des moires
D’un soir d’été j’ai dit adieu